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Leïla Kilani (“Indivision”) : « Ce n’est pas parce que quelqu’un ne parle pas qu’il n’a pas de mots à l’intérieur »

Dernière modification le 01/05/2024 à 07:34
Par Vincent RAYMOND Publié le 21/04/2024
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Temps de lecture : 9 min.
Le ciel, au moins, est indivisible©DKB Productions
Le ciel, au moins, est indivisible©DKB Productions

Les héritiers d’une vaste propriété marocaine se déchirent : si la plupart veulent céder à un promoteur, le fils et la petite-fille aspirent à transformer le domaine en sanctuaire pour oiseaux. Histoire d’avidité et de manigances vue à travers les yeux d’une préado muette et accro aux réseaux sociaux, Indivision est un conte contemporain signé Leïla Kilani. Conversation dans le cadre des Rencontres de Gérardmer.

La trame d’Indivision s’inspire-t-elle d’une histoire familiale ou qui vous est proche ?

Leïla Kilani : Je crois que les histoires d’héritage sont certainement les névroses qu’on partage le plus, quels que soient les coins du monde. C’est une histoire qui passe à Tanger, mais ce n’est pas une auto-fiction, il n’y a rien de biographique ; et puis ça ne m’intéressait pas vraiment en fait de travailler une espèce de restitution. Mais je me reconnais dans chacun des personnages : autant dans la petite fille que dans le père — beaucoup — et puis aussi dans la bonne.

Vous parlez de l’inscription tangéroise. Mais on n’a pas franchement de repère géographique permettant de situer l’action, d’autant que l’on baigne dans le mélange de langues parlées par les personnages : le français, l’arabe, l’espagnol…

C’est à double tranchant. Ces endroits de frontière, qui racontent le monde, m’émeuvent beaucoup. Il y a une forme d’insularité où l’on se prend le monde comme ça… C’est des endroits qui sont en confrontation, où il y a eu beaucoup de circulation, de conflits… 

Quand j’étais en Argentine ou à Macao, le mélange des langues était le même. Dans tous ces endroits, il y a une espèce d’espéranto joyeux. J’ai l’impression d’entendre une espèce de langue “babellique”, comme s’il y avait une langue universelle. Je me dis que l’espéranto a foiré, mais un jour ou l’autre, il va y avoir une langue au-dessus, très créole. Je ne le parle pas le créole, mais quand je l’entends, ça provoque chez moi une vraie émotion. Parce qu’on sent à la fois l’Histoire, la violence, l’impossible séparation… Ça a toujours des rythmes invraisemblables et une telle musique — ça a donné le jazz. Tous les créoles, toutes les langues métissées provoquent chez moi physiquement une adhésion. Et puis aussi, intellectuellement, j’aime ce que ça raconte.

Ces langues véhiculaires sont comme les oiseaux de passage entre différents continents. Vous avez choisi avec la petite Lina une héroïne muette qui, cependant, “parle” beaucoup par l’écrit… mais aussi par la voix off. D’ailleurs, est-ce bien la voix de la jeune comédienne que l’on entend ?

Non, ce n’est pas sa voix. La comédienne n’est vraiment pas quelqu’un qui est dans la parole ; et quand elle parle, on a l’impression qu’elle n’est pas synchrone avec elle-même. C’était assez excitant d’inventer une figure adolescente qui investisse quelque chose d’assez cliché et d’académique (le mutisme et une forme de comportement autistique) et de me dire qu’il y avait autre chose à écrire, d’un peu moins convenu et complaisant qu’une mise en scène mutique sur une ado mutique — ce qui est quand même une posture assez surplongeante. 

Ce n’est pas parce que quelqu’un ne parle pas qu’il n’a pas de mots à l’intérieur. Je l’ai vérifié par une documentation assez sérieuse et par des entretiens avec des filles : il y a des comportements autistiques où il y a des océans à l’intérieur. Un phénomène m’a aussi intéressée : celui les adolescentes qui se tarissent, qui n’arrivent plus à parler, sans qu’on sache si c’est à la suite d’un traumatisme brutal. En Allemagne, il y a eu une fille complètement chavirée, en larmes qui disait que c’était le plus beau film sur l’autisme — elle avait un frère autiste.

Lors de la séance publique aux Rencontres de Gérardmer, vous avez raconté que d’autres spectateurs avaient effectué une lecture écologiste de votre film. Il y a beaucoup d’entrées et projections personnelles différentes permises par Indivision… 

Je m’exprime beaucoup en termes de mise en scène, et je fais une confiance absolue au spectateur ;  j’essaie de lui offrir des espaces entre les plans pour qu’il puisse, lui, s’inventer son film dans son espace de projection. 

Transmission d’héritage impossible, Indivision raconte aussi la fin d’un monde…

Alors la fin d’un monde, mais pas son apocalypse. Lina le dit : « Tous les super-héros ne sont pas en slip » ; « le monde est neuf » ; « la métamorphose »… C’est la fin d’un monde et puis la promesse d’une possibilité. L’apocalypse intervient quand même à la 23e minute, assez tôt. La guerre intervient pour qu’on puisse justement espérer bricoler autre chose.

Un traître n’est pas un tricheur, mais celui qui réussit à accepter la violence d’être seul.

Leïla Kilani

Vous dépeignez un antagonisme clair autour d’une terre entre des pragmatiques et des idéalistes…

Je pense que c’est le mouvement versus la stabilité. Le mouvement, c’est un peu les “chtarbés”, les fous, les traîtres à leur condition, forcément désynchronisés à leur appartenance. Le père est un traître à sa famille, à son nom : il est considéré comme fou. La petite-fille trahit de manière complètement barbare son clan ; la domestique est aussi une traître à sa condition, à son genre… C’est des traîtres, mais au sens noble. En exégèse de mon scénario, il y avait cette phrase : « être traître à son clan, à son genre, à sa famille, c’est être traître aux lignes fixes ». Un traître n’est pas un tricheur, mais celui qui réussit à accepter la violence d’être seul. C’est les désaxés contre les forces stables.

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Indivision tient du conte oriental moderne. Mais il en incorpore aussi un plus ancien et traditionnel, le contre du Roi Simorgh des oiseaux. Aviez-vous dans l’idée de rappeler qu’au cœur de tout récit d’aujourd’hui, il reste une place pour le conte classique ?

Ah oui, ça me paraît certain ! Les contes prennent en charge la peur enfantine. C’est tellement enchâssé en nous qu’il est impossible que le conte disparaisse.

Faut-il donner un sens moral à ce conte ?

Celui que spectateur veut lui donner. J’essaie de ne pas être dans une sentence, mais de laisser la place. Et de croire au cinéma.

Ce film vous a réclamé plusieurs années. Comment imaginez-vous la suite ?

Je n’ai pas du tout de syndrome de post partum. Normalement, j’accompagne très peu mes films ; là je l’accompagne pour ne pas faire preuve de déloyauté vis-à-vis de l’équipe, de mes acteurs et d’Emmanuel [Barrault, le producteur NDR]. Après, j’enchaîne avec des choses très différentes, une commande plutôt rapide — ce n’est pas moi qui l’ai écrite — un film musical, j’écris des séries… J’ai horreur de refaire les même choses. Là, j’ai expérimenté, j’ai été au bout d’un cycle et de ce que je voulais. Je n’ai fait aucune concession. C’est un film traversé par un forme de souffle collectif, de mystique collective, une foi dans le cinéma mais ça ne veut pas dire que je vais faire tous mes films comme ça. J’ai du mal à rester en place. La comédie m’intéresse beaucoup et j’ai envie que la difficulté vienne dans le fait d’aller chercher le public.

Indivision de Leïla Kilani (Mar.-Fr., 2h07) avec Ifham Mathet, Mustafa Shimdat, Bahia Boutia El Oumani… en salle le 24 avril 2024.

TAGGED: Bahia Boutia El Oumani, Birdland, Emmanuel Barrault, Ifham Mathet, Indivision, Leïla Kilani, Maroc, Mustafa Shimdat, Rencontres de Gérardmer, Rencontres du cinéma de Gérardmer
Vincent RAYMOND 01/05/2024 21/04/2024
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