La coqueluche du cinéma français se met à nu dans les salles cette semaine. Entre autres…
I Love Peru de & avec Raphaël Quenard & Hugo David
Comédien avide d’arriver aux portes de la gloire, Raphaël est suivi au quotidien par un apprenti cinéaste rencontré sur un tournage. Leur amitié quasi-fusionnelle se fissure lorsque l’acteur goûte au succès et prend la grosse tête. Mais après une rupture amoureuse, Raphaël convoque son pote afin qu’il l’accompagne au Pérou où il espère trouver un remède spirituel à ses tourments sentimentaux et existentiels…

Voici un objet rudement intéressant, dont il peut être difficile de savoir à quel degré il a été conçu et à quel niveau il faut le lire ; c’est d’ailleurs en partie ce qui fait l’un des attraits de ce faux documentaire assumé. Tournant autour du nombril du plus médiatisé des nouveaux venus du cinéma français, I Love Peru a tout pour agacer ceux que Raphaël Quenard insupporte déjà ; le film possède en outre bien des arguments pour achever d’horripiler ceux qui ne savaient pas encore si l’acteur les amusait ou les énervait. De tous les plans ou presque, le “héros” s’y montre en effet sous son pire jour : arriviste, rapiat, ingrat, tyrannique, exhibitionniste, sans le moindre égard pour les autres pas plus que pour sa dignité.
Pérou en la demeure
Voudrait-il se dépeindre en repoussoir qu’il ne procéderait pas autrement, comme si lui et son complice Hugo David se livraient à une entreprise de torpillage de l’image publique de Quenard-la-vedette ! Certes, il y a bien bien une intention derrière ce projet un brin anar mais pas suicidaire : 🔗les auteurs ne se cachent pas d’avoir pris pour modèle le documenteur de Casey Affleck I’m Still Here (2010) retraçant la prétendue descente aux enfers de Joaquin Phoenix, à l’époque où il avait feint une reconversion dans le rap et l’alcool. L’accumulation de travers que Quenard étale ici, en Dorian Gray post-moderne, estompe le reliquat de frontières entre la ville et la scène : Raphaël devient un personnage total, aussi imbuvable que Camille Cottin à ses débuts dans sa caméra cachée Connasse.
Si l’on peut comprendre l’effet de saturation médiatique qu’il suscite — l’acteur a été vu dans 16 films depuis 2023 et 🔗vient en sus de publier son premier roman — Quenard l’amplifie dans I Love Peru en dévoilant les coulisses (imaginaires) de son milieu professionnel. Un monde d’apparat et d’apparences, de relations factices ; de frivolités clinquantes masquant un quotidien terne. Cette démythification de l’artiste, observé hors de la scène en “roi nu” n’est rien d’autre qu’une version filmique de ce que l’on suit sur les réseaux sociaux depuis deux décennies : une course aux partages narcissiques enjolivant la réalité. Affichant ici médiocrité et beaufitude, le Raphaël du film tourne en dérision tous ces egos hypertrophiés.
Lui c’est lui
Alors bien sûr, I Love Peru entrient la confusion jusqu’à la lie, voire l’hallali, entre ce que Raphaël Quenard est ce qu’il interprète ; et le film, avec son côté à l’arrache, ne fait pas grand chose pour être esthétiquement aimable. Mais ce côté bancal, un pied dehors, un pied dedans ne fait que crédibiliser le concept vaguement situationniste. Il y a une vingtaine d’années, un autre comédien-réalisateur (alors très exposé) avait essuyé un torrent de boue pour avoir abordé de manière non conventionnelle l’univers cinématographique : Laurent Baffie avec Les Clefs de bagnole (2003), à qui le temps finira par donner raison. Espérions pour Raphaël Quenard qu’il n’ait pas à subir le même chemin de croix.

I Love Peru (Fr., 1h08) de et avec Raphaël Quenard & Hugo David avec également Anaïde Rozam, José Garcia…