Deux orphelins australiens trouvent le pire asile qui soit et se retrouvent dans les salles cette semaine. Entre autres…
Substitution – Bring Her Back de Michael & Danny Philippou
Australie, de nos jours. Après la mort brutale de leur père, Billy et sa demi-sœur Piper malvoyante se retrouvent orphelins. En attendant que Billy soit majeur et puisse être son tuteur, les deux adolescents sont placés dans une famille d’accueil — en l’occurrence chez Laura, une ancienne employée des services sociaux ayant elle-même perdu une fille malvoyante. Un brin fantasque, exubérante et protectrice vis-à-vis de Piper, celle-ci se montre en revanche très distante avec Billy. Ainsi qu’avec l’autre enfant qu’elle héberge, Oliver, qui a l’air comme envoûté…
Pour une fois que l’Australie n’use pas de sa monstrueuse faune endogène pour apeurer les spectateurs… Sorte de relecture contemporaine et très déviante de Hansel & Gretel, Substitution – Bring Her Back est tout indiqué pour qui apprécie le cinéma d’épouvante mâtiné de gore. S’il emprunte un chemin bien balisé en direction d’une issue *presque* heureuse — on ne divulgâche rien ici, c’est le genre du conte horrifique qui l’exige —, le film ne transige jamais avec la tension ni le rythme.
Tabous !
Bien écrit, mais surtout très intelligemment réalisé par les frères Philippou, Substitution tire profit des possibilités narratives et plastiques offertes par la vision subjective de Piper — cette idée de se “mettre à la place de“ se révèle ô combien pertinente ! — afin de projeter le spectateur dans le décor flou, hostile… et lui faire comprend à quel point elle se trouve sans défense. Mais les deux réalisateurs ne se contentent pas de perturber le ressenti organique en suscitant l’empathie ; ils s’attaquent surtout à la sérénité psychologique en multipliant les transgressions insidieuses.
En représentant ou suggérant, par exemple, des actes de cruauté et de torture sur des enfants (qu’eux-mêmes s’infligent sous contrainte de surcroît), ce qui tient du plus haut tabou — et de la plus haute violence traumatique pour le public. Et comme si cela ne suffisait pas, il s’agit d’enfants en situation de handicap, donc de personnes “vulnérables au carré”, transformées en pantins dignes du Grand-Guignol. On comprend les précautions accompagnant l’autorisation d’entrée dans la salle.
Mère et maléfices
Qui dit victimes dit fort logiquement bourreau… ou bourrelle, en l’occurrence. Les Philippou ont eu le nez creux de choisir la frêle Sally Hawkins, comédienne dotée d’une aura de sympathie (Be Happy chez Mike Leigh) ou dévolue aux destins tragiques (La Forme de l’eau chez Del Toro). Incarnant ici un personnage pervers dont la vraie nature de tortionnaire et l’absence de limites se dévoilent peu à peu, elle provoque un “effet Misery”— à l’instar de l’avenante Kathy Bates chez Rob Reiner —, se révélant d’autant plus terrifiante et folle qu’elle semblait inoffensive au début. Elle est la sorcière du conte qu’on n’attendait pas et, curieusement, cela lui va bien.
Un détail pour finir : Substitution – Bring Her Back est, après 🔗Mémoires d’un escargot de Adam Elliot (2024), le deuxième (bon) film à raconter les mésaventures d’une fratrie de gamins fragiles et/ou en situation de handicap placée dans des familles brindezingues par la protection de l’enfance australienne. On espère pour la marmaille en souffrance des Antipodes qu’il s’agit seulement d’un hasard…

Substitution – Bring Her Back de Michael & Danny Philippou (Aus., 1h39, int.-16 ans avec avert.) avec Sally Hawkins, Billy Barratt, Sora Wong, Jonah Wren Phililips… En salle le 30 juillet 2025.