Omniprésent en cette rentrée, David Hallyday a donné la réplique à Corinne Masiero dans Capitaine Marleau, se raconte dans son autobiographie Meilleur Album et entame une tournée dans la foulée de son album Requiem pour un fou — entre reprises et hommage à son père. Rencontre.
Comment est né cet album qui ressemble à un exercice d’introspection, à un bilan d’étape autant qu’à un tribut puisqu’il entremêle votre parcours d’auteur et d’interprète avec celui de votre père ?
David Hallyday : Au départ, j’ai commencé à reprendre mes propres chansons parce que je trouvais ça assez rigolo finalement d’essayer de faire des nouveaux titres avec ce qui avait déjà existé et qui datait un petit peu au niveau de la production. Il y avait des titres avec du potentiel aujourd’hui mais que j’avais envie de refaire. Et ça a attisé ma curiosité : en plus de mon catalogue, pourquoi pas SON catalogue aussi ? Un truc était en train de se passer : c’était quelque part un peu un autre album de famille. Ça a commencé à me toucher. Mes enfants ont commencé à m’en parler pendant que je le faisais ; ils me disaient : « c’est vraiment cool de pouvoir faire ça aussi pour nous « . De fil en aiguille, ça a donné à ce projet-là. J’aurais dû sortir en un autre il y a deux ans, que j’ai stoppé et qui s’appelait Second souffle. Il partait du même principe mais avec que mes chansons de Sang pour sang. Là, évidemment, ça a pris un autre tournant. C’est comme cela que l’histoire a commencé.
Passé au tamis des souvenirs et des envies, le tri a-t-il été compliqué à effectuer ?
J’ai pris des périodes que j’aimais bien de lui. C’est-à-dire les années 1970 ; un peu des années 1980 avec les trois albums de Michel Berger, Jean-Jacques Goldman qui se sont succédé — des albums incroyables : Gang était un album de fou — et puis un peu des années 1990 jusqu’à Sang pour sang au début des années 2000. J’ai pris des chansons phares pour lui et qui font écho à ma jeunesse ; à mon enfance, aussi. Des chansons que je l’entendais répéter à la maison. Et puis des titres à moi aussi, qui rebondissent. Pas mal de titres que j’avais sortis à l’époque faisaient écho avec ce qu’il sortait ; il y avait une histoire, en fait ; lui ne le savait pas vraiment. C’est pour ça que j’ai mis des titres comme Père de personne — je ne l’avais pas fait à l’époque. C’est toute cette histoire que je raconte dans cet album et qu’on va raconter aussi sur scène.
En tant que compositeur, comment s’attaque-t-on à de nouvelles orchestrations ? Est-ce que l’on “réécrit musicalement” la chanson afin de pouvoir la réinterpréter ?
C’est toujours un peu compliqué… J’ai toujours dit que je n’étais pas un mec de reprises. J’aime très peu de reprises — donc tout ce travail est un peu paradoxal… J’aime bien les reprises quand on garde l’émotion initiale des chansons que les gens connaissent. Je n’aime pas quand on ne reconnaît plus la chanson — et je pense que les gens n’aiment pas non plus. Quand ils ont vibré avec un titre, ils ont envie de retrouver l’émotion initiale. C’est un travail d’équilibriste entre garder cette émotion et proposer quelque chose de nouveau ; un 2.0 de tous ces titres. J’avais pour critère de les changer quand même mais pas au niveau de l’émotion.
Par exemple, on remarque que toutes ses chansons de scène sont plus orchestrales que les miennes. Donc la première chose que j’ai osé faire — malgré le fait que j’aime vraiment ça — c’est d’enlever ce côté symphonique et me dire qu’il fallait que je le remplace pour en faire quelque chose peut-être de plus scénique. Pour Derrière l’amour, qui est une balade assez lente : comme cette chanson crie de toutes ses forces, on lui a mis une petite claque gentillette, plus scénique.
Je voulais que ce soit un album de live, que ça se produise bien sur scène. L’idée était de sortir un live avant le live, avant la tournée. Il y avait plein de choses dans ma tête. Comment on s’y est attaqué ? En fonçant dans le tas et en prenant une première chanson… C’est que des expériences : tu vois où ça t’emmène et puis tu corriges, tu refais… Si ça a pris deux ans et demi, ce n’est pas pour rien : il y avait beaucoup de titres. Bizarrement, ce qu’il y a eu de plus compliqué, c’était mes titres à moi. Peut-être qu’il y avait un côté plus psychologique : quand c’est pour soi, c’est peut-être toujours plus compliqué…
Ou affectif, vis-à-vis de ses propres ses propres compositions ? Le choix d’un titre comme High n’est pas anodin dans votre parcours…
Oui c’est sûr, mais après quand on compose pour les autres, je trouve que c’est plus facile de faire le caméléon. De se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre que dans la sienne, finalement. Moi, en tout cas, je me pose plus de questions pour moi : c’est toujours un peu plus compliqué. Par exemple, sur le titre Tu ne m’as pas laissé le temps, j’ai recommencé quatre fois parce que je n’étais pas content du résultat. Même si la prod était bien, il manquait un peu d’émotion… Donc je me pose toujours plus de questions. Pour lui, pour son catalogue, bizarrement je ne dirais pas que c’était plus simple mais c’était plus tranquille dans ma tête, quelque part. C’était plus facile de trouver des solutions que pour moi… C’est comme ça.
Parmi les chansons de son catalogue figure Laura. Vous lui donnez une lecture à laquelle on ne pouvait pas penser lorsqu’elle était chantée par votre père…
Oui, on découvre plein de trucs… J’ai découvert beaucoup de choses sur moi-même même au niveau de l’émotion. J’ai toujours adoré ce titre — et quelle belle chanson ! — mais la chanter moi-même et la faire écouter à Laura, ça m’a vraiment fait un drôle de truc que je n’anticipais pas, que je n’avais pas anticipé…Moi qui pense être assez fort de caractère, j’ai un peu fondu ; je me suis découvert des choses. Parce que c’est pas ma chanson : c’est la sienne, je sais qu’elle y tenait beaucoup j’avais vraiment envie de la réussir, celle-là. C’était vraiment deux ans de découverte émotionnelle, avec plein de choses que je ne j’anticipais pas. Mais c’est ce qui est beau aussi, qui fait que ce projet est un peu dingue pour moi.
Ce disque est-il le tracklist de ce que vous présenterez sur scène ? Avez-vous déjà envisagé des surprises, des reprises supplémentaires ?
Attend, je viens d’en faire 19 ! (sourires) Je vais respirer un peu on verra pour le volume 2. Évidemment, il y aura tout l’album, tout ce qu’on entend là… et puis il y aura forcément d’autres titres, évidemment, parce qu’il n’y en a que 19. Ça ferait un peu juste pour un concert. On me pose souvent la question : « pourquoi tu as pas remis des titres comme Le Plus Heureux des hommes ? » que j’avais sorti. Je ne l’ai pas sur l’album pour une raison très simple : il est trop récent. Après, faire des reprises pour faire des reprises sur des nouveaux titres, je ne vois pas d’utilité ; sur des anciens titres, oui mais il est encore trop récent pour en faire quelque chose de nouveau. Par contre sur scène, oui. Donc, il y aura plein de titres sur scène — entre 27 et 29 je crois.
Dans votre autre actualité, le récit autobiographique Meilleur album, vous dévoilez beaucoup d’aspects de votre caractère. Notamment que pendant assez longtemps, vous vous êtes plus volontiers envisagé comme musicien que frontman…
Je ne sais pas trop comment les choses se font. Le développement d’un artiste se fait progressivement et puis ce qu’on imagine, le monde dans lequel on sera plusieurs années après… ça ne se fait jamais comme on le veut. C’est vrai qu’au départ, je ne voulais pas trop chanter. Ma vocation, c’était de composer de la musique, de faire des prod, composer pour d’autres artistes ; d’être batteur aussi dans les groupes de rock que j’ai faits… (sourire) C’était ça mon mon kiff. Après, ça s’est développé ; j’ai eu mon beau-père qui m’a guidé qui m’a dit : « non, toi, tu dois être devant ! C’est un héritage artistique, tu dois y aller ! — Ben non, j’ai pas envie d’y aller, en fait. » Et petit à petit, je m’y suis mis. Le truc, c’est que ça a marché assez rapidement pour moi. Donc j’étais un petit peu coincé… Et finalement, c’est devenu ma vie et j’ai adoré ça aussi. Mais ça a pris du temps : c’est pas aussi naturel pour moi que composer, d’être derrière une batterie, d’être musicien. Mais c’est cool, je suis content d’être là ; si je ne l’avais pas fait on serait pas là aujourd’hui (sourire)
Vous racontez que, si Tony Scotti vous a poussé à aller “devant”, il a aussi fait en sorte de vous challenger à plusieurs reprises. Non seulement en vous faisant commencer en bas de l’échelle comme coursier, mais également en vous donnant l’opportunité de vous éclipser dans son studio d’enregistrement…
C’est vrai que j’ai fait pas mal de petits boulots dans son studio et j’avais les clés, forcément, donc je ne faisais pas très très bien mon boulot — en fait je devais nettoyer un peu le studio, les bureaux… Je le faisais très très mal parce que j’étais souvent derrière le piano en train de faire de la musique… C’est une période géniale en même temps mais à force de faire, on apprend. Après, j’ai eu mes premiers groupes, les petits clubs comme ça, puis de fil en aiguille… Mais dès que j’ai commencé professionnellement, dès que j’ai sorti mon premier album ça a marché donc j’étais “contraint” de continuer puisque la sensation de faire quelque chose qui réussit c’est quand même une bonne sensation, ça fait plaisir. Et j’ai commencé à prendre du plaisir à être devant. Mais ça m’a pris une bonne dizaine d’années pour vraiment apprécier et partager avec le public ce que je faisais en studio. On a tous des chemins différents et le mien a été saccadé par par plein de choses.
Il y a une bonne trentaine d’années, David Bowie avait choisi de se ré-immerger dans un groupe — Tin Machine — avant de revenir à une carrière solo. Est-ce que vous vous pourriez de la même manière repartir dans une aventure de groupe ?
OUAIS ! Pourquoi pas ? C’est clair ! À partir du moment où on a envie de le faire, qu’on le fait bien, qu’on le fait sérieusement et à fond, on peut tout faire ! En fait il n’y a pas de règles. Rien qu’à regarder Santa : elle est dans son groupe et maintenant, elle est en solo… On peut tout faire si on a envie de le faire et si on se donne les moyens.
Requiem pour un fou, David Hallyday, CD (14,99€) et double vinyle (34,99€)
Meilleur album, David Hallyday, Le Cherche-Midi, 288 p. (4h de lecture), 20€
En tournée à partir du 2 novembre, toutes les dates sur www.requiempourunfou.com