Un acteur en fuite est à l’affiche cette semaine. Entre autres…
Hors-saison de Stéphane Brizé
La côté bretonne, dans un centre de balnéothérapie de luxe, hors saison. C’est là que vient se réfugier Mathieu, un comédien célèbre qui vient de plaquer à la veille de la première la troupe théâtre avec laquelle il s’apprêtait à conquérir les planches. Mathieu cherche du sens à sa vie et ne trouve pas le réconfort qu’il escompte auprès de sa compagne, une executive woman distante au téléphone. Résolu à traîner son ennui et sa déprime pendant une (longue) semaine, Mathieu va croise Alice, avec qui il a vécu une histoire quinze ans plus tôt et qui a refait sa vie à Quiberon. En sa compagnie, le séjour va prendre une nouvelle inflexion…
On pourrait dire que Stéphane Brizé revient ici à ses premières amours ; à ce cinéma du sentimental et de l’intime qu’il pratiquait volontiers avant la bascule Quelques heures de printemps (2012) et surtout la trilogie “sociale” interprétée par Vincent Lindon. Il y a en effet dans Hors-saison une observation par le minimalisme de “l’état” : psychologique, amoureux mais surtout présent. Une tentative de portrait dans l’instant et de l’instant plus que la volonté de se projeter dans les méandres d’un récit aux rebondissements convenus. En effet, l’enjeu n’est ici pas de savoir ce que Mathieu va devenir au-delà de son séjour, de sa journée ou de sa soirée, mais de partager l’incertitude chronique du moment, en direct.
Temps mort
Il y a quelque chose de paradoxal dans l’expression “temps mort” puisqu’elle donne a contrario la pleine mesure du temps, de son épaisseur et de sa durée relative. Ce break que Mathieu s’octroie (en sacrifiant dans une brutalité égoïste ses partenaires de jeu) le renvoie aussi à un temps d’avant où il s’était comporté de manière aussi cavalière. Ce passé (avec Alice) qui n’existe pas à l’image va être toutefois convoqué par les discussions entre les personnages, les ressentiments se réactivant progressivement grâce au hic et nunc.
À travers Mathieu, Guillaume Canet n’apparaît guère sympathique. Comme dans ses propres réalisations Lui (2022) ou Rock’n Roll (2017), deux variations sur des doubles putatifs trahissant une défiance (voire un rejet) vis-à-vis de sa propre personne publique/privée. Stéphane Brizé semble avoir relevé ce désir du comédien de montrer de lui une image tourmentée, moins lisse, pour composer le héros de Hors-saison. Mais n’avait-il pas opéré de la même manière avec un Vincent Lindon laissant poindre son désir de s’impliquer dans le débat public ? La Loi du marché, En guerre et Un autre monde avaient suivi, comme des illustrations du malaise social et autant d’occasion d’en parler dans les médias.
Voleur de vie, valeur de la vie
S’il a lui-même un peu abusé de la formule, Claude Lelouch a souvent revendiqué chercher des « parfums de vérité » en plaçant ses comédiens à la lisière de leurs personnages grâce à des exercices d’improvisation dirigée. Brizé — qui fut produit par Lelouch pour Entre adultes (2006) — s’inscrit plus ou moins ici dans ses pas lorsqu’il suscite des surgissements de réel entre Guillaume Canet et Alba Rohrwacher. Mais aussi lorsqu’il nous plonge dans un segment documentarisant autour d’un personnage secondaire, une vieille dame campée par une actrice non professionnelle semblant raconter sa vie… alors qu’elle joue un rôle de A à Z. L’intrication lelouchienne entre la fiction et la réalité aurait même pu prendre une dimension supplémentaire si Brizé avait concrétisé son projet (abandonné faut de temps) de tourner sur la plage de Quiberon une séquence hommage à un Homme et une Femme. Pas grave : il y a tout le reste.
Hors-saison de Stéphane Brizé (Fr., 1h46) avec Guillaume Canet, Alba Rohrwacher, Sharif Andoura… Sur les écrans le 20 mars.