Un plantigrade errant sur les routes franc-comtoises ouvre l’année cinématographique dans les salles. Entre autres…
Un ours dans le Jura de & avec Franck Dubosc
Voulant éviter un ours sur une route enneigée, Michel fait une embardée et provoque malgré lui la mort de deux personnes stationnées sur le bas-côté. Lorsque son épouse Cathy vient l’aider à effacer ses traces, le couple découvre une forte somme dans le coffre des victimes. En proie à d’intenses difficultés financières, Michel et Cathy décident de conserver le pactole et de dissimuler les cadavres. Mais on ne s’improvise pas larrons face à des trafiquants de drogue ni à la gendarmerie. Surtout quand on sème des indices partout…
Longtemps, Franck Dubosc a fait son miel des personnages de séducteurs ringards et égotistes — voir le court métrage Des amis de 20 ans de Frank Tapiro, 1999 — évoluant avec les années vers des emplois de vieux beaux un peu gênants. Un cocon doré lui assurant certes popularité (et postérité), mais sans doute quelque amertume comme la plupart des acteurs de comédies ignorés par leurs pairs et la critique parce qu’ils se cantonnent, justement, dans leur zone de confort.
Touchez pas au grizzli
En passant derrière la caméra en 2018 avec Tout le monde debout, puis Rumba la vie (2022), l’acteur opérait un timide virage : s’il endossait dans les deux cas un rôle central où la question de la séduction occupait une place prépondérante, celle-ci était tempérée par la prise en compte de problématiques “extra-nombrilesques“ : le monde du handicap pour le premier, le rapport père/fille pour le second.
Poursuivant consciemment ou non cette démarche, Un ours dans le Jura franchit un cap supplémentaire en déchargeant Franck Dubosc de sa position de personnage principal : c’est ici le couple le véritable protagoniste et, au sein du duo, Cathy qui mène l’action devant l’influençable Michel, gaffeur en série. Film noir qu’on croirait adapté d’un polar islandais (pour le décor) ou de Iain Levison pour le mélange entre intrigue sérieusement sombre et humour décalé, le film tient les promesses d’incongruité portées par son titre. L’ensemble de la distribution, excellemment composée, reflète la diversité des “familles” du cinéma ainsi que la porosité entre comédie d’auteur et comédie populaire.
La présence d’actrices à trophées telles que Emmanuelle Devos et Laure Calamy vaut celle de Serrault ou de Noiret jadis : elle nimbe d’un supplément de respectabilité un film où Benoît Poelvoorde et Joséphine de Meaux suivent une partition plus douce-amère que débridée. Bien dirigés, ils ont de surcroît à camper des personnages dotés d’une certaine profondeur et non de simples silhouettes utilitaires. C’était un peu le problème de Jean-Pierre Darroussin, sous-exploité dans Rumba la vie, où seul Houellebecq se démarquait parmi les seconds rôles. Est-ce là l’influence (bénéfique) de la co-autrice Sarah Kaminsky ? Toujours est-il que ce savant équilibre, cette progression en ligne de crête entre absurdité et réalisme, assure au thriller de conserver sa tension jusqu’à la résolution de l’intrigue.
Jura superstar
Hasard ou coïncidence, le département franc-comtois a servi ces derniers mois de toile de fond à trois longs métrages réussis : 🔗Le Roman de Jim, 🔗Vingt dieux et maintenant Un ours dans le Jura. Si pour les deux premiers, l’inscription territoriale découlait d’une adaptation — d’un roman ou d’un scénario original — intimement liée à ce département, le film de Franck Dubosc eût pu se dérouler dans les Vosges, le Morvan, le Cantal ou les Pyrénées présentant des caractéristiques géo-morphologiques comparables.
Mais l’essentiel est qu’il renvoie une image de ces zone rurales et/ou de montagne, comme l’avait fait dans un autre genre Bustillo & Maury (🔗Le Mangeur d’âmes) ou Dominik Moll (Seules les bêtes, La Nuit du 12). Cette idée de regarder ailleurs qu’en ville, dans une périphérie plus grande que celle des boulevards de ceinture, colle assez bien avec celle de se décentrer de sa propre personne. La cohérence va bien à Dubosc.
Un ours dans le Jura de & avec Franck Dubosc (Fr., 1h53) avec également Laure Calamy, Benoît Poelvoorde, Joséphine de Meaux, Kim Higelin, Emmanuelle Devos… En salle le 1er janvier 2025.